La magie des encres qui flottent

detail de réalisation de marbrure à la cuve

Ou comment, en jetant de l’encre sur de l’eau épaissie, on obtient de surprenant papiers!

Lorsque j’ai découvert la reliure, à l’occasion d’un stage chez Maurice Salmon en février 2015, j’ai été subjuguée par les papiers marbrés: la variété des motifs, les couleurs infinies …

Poussée par la curiosité – et également la contrainte technique, propre à tout créateur de n’avoir jamais le « bon » papier, celui dont le motif ou les teintes correspondent parfaitement au livre à relier, ou à ce que l’on veut réaliser; j’ai voulu, moi aussi faire mes papiers.

J’ai eu la chance de réaliser plusieurs stages chez Marianne Peter , célèbre et ultra-talentueuse marbreuse ou Ozlem Pajik Jones, artiste spécialisée en ebrû, l’art de la marbrure turque. Mais il me manquait la « recette » pour reproduire cela.

J’ai fait mille et un essais pour épaissir l’eau (avec de la methylcellulose, de la gomme arabique, de la caraghen et autres tentatives) et faire flotter les encres, en y ajoutant plus ou moins de fiel de boeuf… Mais les résultats étaient très aléatoires et le plus souvent, lorsque les encres ne plongeaient pas simplement, l’eau était soit trop épaisse soit trop légère pour travailler les motifs.

Puis, j’ai eu la chance de rencontrer Barbara Kelnhofer dans son atelier à Staufen, en Allemagne. Un stage de deux jours, à laisser notre créativité flotter dans les cuves mais surtout, de nombreuses explications – certes en allemand – et …. « sa » recette ! Je ne la remercierai jamais assez !

Le Principe de la Marbrure

Il s’agit en fait d’épaissir de l’eau (avec une gomme hydrosoluble) pour que les encres puissent y flotter, se répandre sans se mélanger.

Par transfert ensuite, un papier est posé sur la cuve et le motif se retrouvera sur le papier.  Assez simple en apparence, cela demande malgré tout un peu de chimie (concentration en gomme, préparation de certains papiers avec de l’alun pour permettre aux encres de tenir, voire même préparation des pigments et ajout de fiel de boeuf pour en accroître la « force ») et beaucoup d’expérience.

Mais quelle satisfaction quand on peut s’y essayer !

Place à la Créativité

Peigné, caillouté, couleurs traditionnelles (ocres, rouges, bleu) ou plus « modernes », simples passages ou double – voire triple – passages, il n’y a aucune limite à la créativité. Un moment très reposant, dessiner ainsi sur l’eau, décider de « quand » arrêter, poser la feuille sur la cuve, la soulever délicatement et se laisser surprendre par le motif ainsi apparu … J’aime beaucoup réaliser ainsi mes papiers, même si je n’ai ni le talent ni l’expérience des « vrais » marbreurs!

Quelques Réalisations

Inspiration « classique » … même si les couleurs ne le sont guère

Papier marbré à la cuve orange, vert, rose, blanc - réalisation C Coyez
Papier marbré à la cuve noir et blanc - réalisation C Coyez
Papier marbré à la cuve - Petit Peigné - Bleu turquoise & rouge
Papier Marbré à la cuve tons bleu

Inspiration Ebrû

ebru style - Marbré Jaune Rose Oiseau

Second Passage

Lorsqu’au premier passage, le résultat me semble « terne » ou peu utilisable, il est tout à fait possible de repasser la feuille dans le bain. Dans ce cas, l’aspect sera encore plus surprenant car je n’ai pas réussi à prédire avec précision comment se marieront les motifs.

Je ne sais pas ce que vous en pensez mais, même si je ne maîtrise pas l’art de la marbrure, cette technique me donne l’impression de faire quelque chose de beau alors que je ne sais pas dessiner… Et si vous souhaitez en savoir un peu plus sur l’histoire des papiers marbrés en reliure je vous invite à lire ici

21 réflexions sur “La magie des encres qui flottent”

    1. Tout à fait d’accord avec toi c’est fascinant … si tu passes sur Strasbourg tu es la bienvenue (même si mes résultats sont encore aléatoire) sinon à voir avec des « vrais » marbreurs … c’est magnifique !

    1. Merci ! C’est presque un retour en enfance : non pas que j’ai déjà fait ça gamine, mais enfant tu ne te soucis pas de « motifs », capacité dessin etc – Avec la marbrure c’est pareil, fascinant et magique!

  1. Jacqueline Vermandé

    j’aime beaucoup ce que vous présentez, je viens d’avoir un flacon de Winsor Newton de ox gall liquid/ pouvez vous me dire comment faire la préparation du bain je voudrais me lancer
    merci d’avance de bien vouloir partager votre savoir
    bien cordialement

    1. Bonjour, le principe est simple, la pratique un peu moins : il faut faire chauffer de l’eau et y ajouter en mixant de la caraghene. Le dosage est environ 20g de caraghen par litre. Le bain doit reposer au minimum 10h. Le fiel (ox gall) sera utilisé au moment de la préparation des encres pour leur donner davantage de force et faciliter soit leur flottaison soit leur extension sur le bain. Si vous n’en avez jamais fait auparavant, il est peut être plus simple de le faire une première fois avec un vrai marbreur (ou si vous n’êtes pas loin de l’Alsace, je peux aussi vous montrer le peu que je connais, mais je suis loin d’être une « pro » en la matière).

      1. Bonjour Cécile, merci pour votre partage !
        Lorsque vous indiquez avoir fait des stages, est ce que c’était des stages pour apprendre à faire les différentes formes de papier marbré ?
        Sur combien de temps est ce que c’était ?
        Comment avez vous pu participer à ces stages ?

        Je vous remercie d’avance,
        Bien cordialement
        Marie

        1. Bonjour, Ces stages étaient soit pour apprendre certaines techniques de décor (peigné, caillouté, ebrû) soit pour apprendre également la composition des bains etc. Généralement je les ai réalisé sur 2 jours. Et souvent ils ont été organisés parce que l’on était plusieurs relieurs à être intéressés et donc nous contactions directement un marbreur. Actuellement je sais que, sur le grand Est Fanny Schaeffer (vallée de Munster) et Zeynep Uysal (Raon l’Etape) en organisent régulièrement

    1. est ce que je peux t’avouer que pour l’oeil de chat c’est une « erreur » de manip et un gros coup de chance? Pas sûre d’arriver à le refaire !

  2. Christiane George-Rayssiguier

    Bonjour,
    Cela fait déjà quelques années que je fais de la reliure et tout naturellement j’ai commencé à pratiquer la marbrure. Mais le problème est la cuve, où peut-on en trouver et quelle taille faut-il prendre. Pouvez-vous m’aider de vos conseils ?
    Je vous en remercie par avance.
    Bien cordialement.
    Christiane

    1. Bonjour, pour la cuve le plus pratique est sans doute d’utiliser des cuves photographiques – mais toute cuve avec fond plat est utilisable (ma première était une sorte de bac à litière). Quant à la taille, tout dépend des papiers que vous marbrez, dans l’idéal un peu plus grand qu’un A3 mais en revanche elle n’a pas besoin d’être très profonde (5-6 cm est largement suffisant). Et inox ou plastique, c’est sans doute question de préférence personnelle. Je vous souhaite une bonne marbrure et n’hésitez pas à m’envoyer des photos de vos réalisations ! Cécile

    1. Bonjour, à tester mais j’utilise de la caraghen avec un dosage est d’environ 20g par litre mais, à mon sens ce qui fait la différence sera de bien faire reposer le bain (genre une nuit). Pour la gomme guar, j’ai des résultats aléatoires donc je ne pourrais vous assurer d’un dosage idéal (visiblement je ne l’ai pas trouvé!)

    2. Bonsoir,
      Merci pour ces informations précieuses ☺️

      J’avais quelques questions concernant la couleur…
      Q’utilisez-vous ? Des pigments naturels avec du fiel, dilués dans de l’eau ? Si oui quel devrait être le résultat de ce mélange?
      Ou des encres typographiques ? Je ne sais pas où m’en procurer et les mélangent-on au fiel? Bref , je suis un peu perdue, j’expérimente. Et après un stage ou on m’a conseillé d’utiliser des couleurs toutes faites pebeo car le reste était trop difficile, je persiste:) si vous pouviez m’éclairer…
      Merci de votre aide.

      1. Bonjour,
        Concernant les couleurs vous pouvez utiliser des pigments naturels dilués dans de l’eau + fiel de boeuf . Le résultat devrait être une encre à la fois très liquide et légère (et il faut tester jusqu’à ce que ça flotte)… On obtient des résultats probants avec de la gouache simplement ultradiluée (pour avoir quelque chose de très liquide). Et dernièrement j’ai acheté, par paresse, des encres à marbrure ebru toutes prêtes et le résultat est extrêmement probant (en fait, dans ce cas, il n’y a rien à faire d’autre que poser délicatement l’encre sur l’eau). Dans ce cas, le fiel peut juste être ajouté, en toute petite quantité si on veut accroitre la force d’une couleur en particulier, mais ce n’est même pas réellement nécessaire (la marque des encres c’est Karin, une marque turque spécialisée dans la marbrure – mais il est probable que pébéo fasse pareil)

  3. Magnifiques réalisations.
    Je me demandais si pour obtenir des grandes tâches en fond il fallait plutôt rajouter du fiel ou plutôt de l’eau. Dans votre dernière réponse vous mentionnez que le fiel accroît la force d’une couleur. Mais par ‘force’ vous entendez étendue de la couleur sur le bain ou prédominance de cette couleur par rapport aux autres couleurs ?

    1. Hmmmm… En fait, le fiel ajouté à une encre lui permet de s’étendre d’avantage dans l’eau (et donc de repousser les autres encres)… Donc oui, dans une certaine mesure si vous voulez des grosses « taches », une encre contenant beaucoup plus de fiel sera probablement plus grande. Il y a cependant une limite, qui est celle de la saturation du bain.
      Par ailleurs, si vous rajoutez à votre bain de marbrure, une fois les encres déposées, juste 1 goutte de fiel pur alors vous aurez des tâches plus ou moins grandes de blanc (ou plutôt de la couleur du papier)… Je ne sais pas si je suis très claire ?

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