Lorsque je commençai la reliure, en 2015, j’appris par hasard que mon grand père avait aussi pratiqué la reliure. Ma grand-mère m’avait alors confié un livre, à peine cousu qu’il n’avait jamais eu le temps de terminer.
Pendant longtemps, j’ai gardé ce livre. Je n’osais le terminer car j’hésitais à ainsi « masquer » son travail par une reliure de type « bradel » ou « passée ».
Et puis il y avait d’autres problématiques. En particulier, mon grand père n’avait pas ajouté de gardes et cela aurait pu être dommageable lors de la finition du livre. Par ailleurs, cet ouvrage avait 2 couvertures : l’une, sobre aux couleurs de gallimard, et une jaquette avec une photo extraite du film éponyme « La loi ». Traditionnellement, il est d’usage de conserver toutes les couvertures, en les intégrant par exemple dans le corps d’ouvrage (ce qui m’aurait obligé à défaire sa couture). Là elles étaient simplement détachées du livre mais je ne savais pas ce que mon grand-père avait voulu en faire.
La solution : la reliure Suisse?
Un jour, en vaquant sur instagram, j’ai remarqué une photo publiée par AnnaInPaperland, une relieure néerlandaise. Elle avait réalisé un carnet de dessin en « reliure suisse ».
Je n’en avais jamais entendu parler auparavant mais je fus de suite intriguée et intéressée…. Visiblement il s’agissait d’une structure dans laquelle seul un coté du livre est attaché à la couverture. Ce qui permet en particulier une ouverture bien à plat.
Appliquée à mon livre, cette technique de reliure avait surtout l’avantage immense de laisser apparaître le beau travail de couture de mon grand-père.
Réalisation de la couverture
J’ai tout d’abord créé la couverture comme pour un « dos carré » traditionnel. j’en ai recouvert l’extérieur de toile noire et d’une partie de la jaquette après restauration minime en « parlante ».
En terme de restauration il a simplement fallu doubler le dos avec du papier japon, rattraper quelques déchirures et rattraper la couleur par endroit avec de l’aquarelle. J’ai décidé de ne pas conserver la partie arrière de la jaquette car elle était uniformément grise, d’un gris « passé, usé ». Alors j’ai simplement découpé au scalpel le petit logo « nrf » de gallimard et l’ai rajouté au même emplacement sur ma couverture en toile.
Les contreplats
Pour l’intérieur (qui ne se verrait que d’un coté) je décidais de créer un papier à partir des notes manuscrites -probablement écrites par ma grand mère – qui avaient été glissées dans le livre : Il s’agissait essentiellement de rappels sur les différentes étapes de la reliure, la couture, les mesures, d’un dessin d’un cousoir etc….
J’ai scanné ces notes, les ai retravaillées sur ordinateur puis imprimées sur un papier type goudron. J’ai choisi ce type de papier d’une part parce que j’en apprécie la texture et d’autre part c’était un clin d’œil à l’absence de couvrure du dos du livre. En effet, c’est le papier que l’on pose généralement sur le dos du livre pour le renforcer et en combler les irrégularités. Ici, la couture serait à nu, mais j’aurais quand même un goudron sur le livre!
Assemblage du corps d’ouvrage à la couverture
J’ai rajouté discrètement une garde en fin d’ouvrage afin de protéger la dernière page et surtout de pouvoir coller discrètement les morceaux de ficelle. Puis j’ai ensuite simplement collé celle-ci sur le plat arrière.
Une fois le livre fixé à l’arrière, j’ai taillé une pochette transparente dans une feuille de rhodoid pour y glisser la couverture originale et bien entendu ses notes manuscrites.
Voici une courte vidéo qui montre l’ouvrage terminé ….n’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez !
L’article est super détaillé et retranscrit très bien l’émotion de partager à des décennies d’écart, la même passion
Merci ! Je trouve cela assez surréaliste d’avoir découvert si tard qu’il faisait également de la reliure (la coincidence est quand même très forte!)
A travers cette restauration une très belle histoire de vie. Ton article est aussi techniquement très intéressant pour toutes les connaissances qu’il apporte sur l’art de la reliure. Merci
Merci beaucoup Michèle pour ton retour ! 🙂
j’adore cette idée ! et tout ça, ça fait une jolie histoire à raconter et à lire.
C’est mon coté bisounours, j’adore les jolies histoires 🙂
Bonjour, pourriez-vous me renseigner un tuto sur cette reliure à la suisse ? Ou me recommander une livre ? Je cherche en vain…
Merci, cordialement, LL