Il y a quelques semaines, en discutant avec Alix Trogler, gérant de la société « Maison Trogler », spécialiste de la petite maroquinerie on a imaginé une jolie collaboration : il comptait exposer au Salon du Mariage de Strasbourg, moi je ne pouvais pas y être alors il exposerait une livre d’or qui lui servirait aussi de book !
Dans cet article j’ai décidé de vous présenter non seulement le résultat final mais également les différentes étapes de sa réalisation…. Et si cela vous donne des idées, pour un évènement unique privé ou pour la communication de votre entreprise, n’hésitez pas à me contacter!
Le concept
Avec Alix, nous avons discuté ensemble de l’esthétique souhaitée mais nous trouvions face à une contrainte de temps : rédiger et mettre en forme le book tout en me laissant suffisamment de temps pour réaliser une reliure originale avant le Salon.
Pour y pallier, je lui ai proposé de réaliser un livre 2 en 1 : une partie book et une partie « livre d’or » .
Cela avait plusieurs avantages: d’une part sur un salon, avoir un livre vierge où collecter avis & contacts est un atout. Pour moi, cela me permettrait de montrer indirectement la possibilité, à de futurs mariés, de réaliser leur livre d’or. Par ailleurs, c’était un moyen de se focaliser sur un nombre potentiellement faible de pages à rédiger tout en ayant un livre d’une épaisseur « esthétique ».
Un livre dos à dos, deux types de reliure
J’avais initialement pensé relier ces deux livres en bradel, ce qui aurait été plus simple. Mais après un premier essai, je me suis rendu compte que, étant donné l’épaisseur extrêmement fine du book, le rendu ne serait pas optimal.
J’ai donc décidé, pour la partie « livre d’or » de conserver la reliure bradel traditionnelle en cuir. L’objectif étant de rester sobre et robuste pour un ouvrage qui sera manipulé beaucoup.
Mais pour le second versant de mon livre dos à dos, le « book », la technique de la reliure secrète belge (tuto ici) m’a semblé plus appropriée. En effet, cela permet sur un ouvrage très peu épais de mettre en valeur le dos que je souhaitais recouvrir de la magnifique peau de serpent qu’Alix Trogler m’avait fourni. Et par ailleurs, cela offrait la possibilité de faire évoluer ce book sans devoir systématiquement refaire une reliure complète. Ainsi s’il souhaite ajouter des pages ou actualiser certaines informations il me suffira de défaire la couture et de la refaire sans toucher aux couvertures.
Les spécificités d’une reliure dos à dos
Quelques précisions avant de poursuivre, une reliure dos à dos signifie que deux livres sont reliés tête bêche de façon à pouvoir l’ouvrir dans les deux sens, en retournant simplement le volume.
Cela induit « quelques » complications qu’il faut prendre en compte si vous souhaitez essayer (liste non exhaustive)
- Il y a 3 plats ce qui signifie que celui du milieu servira de plats aux 2 livres
- Si vous utilisez des pages imprimées, pensez que le livre s’ouvrira dans les deux sens et que cela a un impact sur le sens des pages
- L’ordre et la succession des différentes étapes est un peu chamboulé car il faut véritablement travailler sur les deux versants en parallèle (aspect amplifié par le fait de mélanger deux techniques de reliure différentes)
- La manipulation des livres en cours de fabrication est plus complexe, notamment en ce qui concerne les différentes mises sous presse et la couvrure
J’ai cherché rapidement sur le web des exemples de reliure historique dos à dos, car ce sont des reliures assez peu répandues, je suis tombée sur cet article qui en présente des exemplaires magnifiques.
Les étapes de fabrication
Pre-Presse et Impression
Nous nous sommes mis d’accord sur le format final et je l’ai laissé, avec son équipe rédiger le livre d’or
Une fois le fichier brut reçu, je me suis chargée – pour des raisons pratiques – de l’imposition, ajout de pages de gardes, fonds perdus (…) avant envoi à un imprimeur.
Autre choix important avant impression : le papier. Epaisseur, aspect, toucher plusieurs critères importants qui détermineront l’aspect futur du livre tout autant que sa reliure. Il me semblait cohérent d’utiliser le même papier pour les deux versants du livre mais je souhaitais un papier couché presque brillant pour le book et qui évidemment accepte l’écriture. Mon choix s’est porté sur un papier satiné blanc 160g de jolie tenue, qui me semblait mettre en valeur les illustrations du book.
Plaçure
Une fois les impressions reçues et vérifiées, vient la « plaçure ». C’est le terme qui désigne toutes les étapes préparant le corps d’ouvrage à la couture … Dans le cas présent :
- réalisation des cahiers (pliage des pages imprimées)
- Découpe sommaire à la cisaille (l’objectif n’était pas de les couper à la taille finale puisque le corps d’ouvrage sera rogné après couture mais simplement de me faciliter la tache)
- Mise sous presse (24h)
- Réalisation du gabarit de couture du livre d’or uniquement
Ce gabarit répond à des règles traditionnelles appelées « compassage » afin d’avoir une couture équilibrée. Ce gabarit réalisé, j’ai simplement percé chaque cahier grâce à un poinçon.
Couture & Préparation du corps d’ouvrage du livre d’or
La couture a été réalisée sur lacettes (sortes de larges rubans) que j’ai tendues sur mon cousoir. Une fois la couture terminée, après avoir encollé le dos, j’ai procédé au rognage manuel des 3 tranches.
J’ai ensuite « endossé » le livre, c’est à dire créé l’arrondis du dos en plaçant le livre dans un étau et avec un marteau « couchant » les cahiers les uns sur les autres pour créer un « mors ». Puis après ajout d’une mousseline qui protégera le dos j’ai apposé une tranchefile en peau de serpent et finalisé le corps d’ouvrage en y collant des krafts pour renforcer le dos et un soufflet pour faciliter l’ouverture.
Préparation des plats des 2 livres
Pour une reliure dos à dos il faut 3 plats.
Deux de ces plats serviront à la reliure du livre d’or en bradel pour laquelle il faut une carte à dos. . J’ai donc également taillé une carte, moulé celle-ci sur le corps d’ouvrage afin qu’elle en épouse parfaitement la forme puis l’ai encollée entre les deux plats.
Ensuite, il y a toute une étape, chronophage, généralement non réalisée sur de la reliure bradel, puisque elle est habituellement considérée comme une « reliure d’attente » mais qui est essentielle pour une reliure réalisée en cuir : blanchir les plats puis les poncer. Blanchir c’est coller une carte fine sur les plats pour masquer les défauts du carton. Poncer permet d’amoindrir l’arrête du carton et donc d’avoir des bords plus « arrondis », plus esthétiques.
En parallèle, j’ai commencé à parer le cuir des mes 3 plats, c’est à dire à l’amincir. L’objectif est de garder l’épaisseur initiale de la peau sur la couverture mais de réduire celle-ci aux remplis, et en particulier d’obtenir une finesse extrême au niveau des coins pour pouvoir les modeler plus facilement. Une fois paré, le cuir est humidifié puis encollé directement sur les couvertures. Mes deux couvertures sont entièrement recouvertes de cuir, quant au troisième plat (celui qui se retrouvera au milieu), seuls les bords des deux cotés ont été recouverts de cuir sur environ 1cm puisque le milieu sera occupé par les gardes papier.
J’ai ensuite « comblé » les contreplats (l’intérieur des couvertures) avec de la carte fine du livre d’or, afin de masquer les éventuelles différences de niveau entre mon cuir et la garde lors de l’emboitage.
Pour la partie « reliure belge », le dos est à préparer de manière séparée puisqu’il sera ensuite assemblé par une couture entre les deux plats. J’ai donc mesuré l’épaisseur future du « book » (en y rajoutant quelques millimètres dans l’éventualité d’une mise à jour) pour tailler un dos à sa taille en y incluant l’épaisseur des cartons. Ce dos a ensuite été recouvert de peau de serpent. J’ai découvert deux particularités à la manipulation de cette matière : elle est à la fois extrêmement fine et semble cassante mais humidifiée elle se travaille de manière très agréable. En revanche, les « écailles » ont un sens et notamment au niveau des plis ce n’est pas évident à manipuler.
Assemblage des 3 plats et couture du book
Pour cette étape j’ai simplement cousu ensemble la partie du plat arrière du livre d’or avec le dos et le plat de couverture du book, en utilisant deux fils (beige et marrons) et un dessin de couture apparente asymétrique…J’ai ensuite cousu les cahiers du book dans leur couverture.
Une fois cette étape terminée, il me restait à emboiter le livre d’or : c’est à dire, à coller le corps d’ouvrage dans la couverture. Maintenant qu’il y avait un autre livre de l’autre coté, la démarche s’est révélée beaucoup plus technique notamment car la tenue sous presse d’une reliure secrète belge n’est pas la même qu’un bradel pour lequel cependant un fort coup de presse (voire de percussion) est nécessaire pour assurer un bon collage. Et evidemment, je ne pouvais pas emboiter avant car je voulais absolument que les gardes du livre d’or masquent une partie des fils reliant la couverture du book
J’ai ensuite fini de coller sur les contreplats un papier dominoté de l‘Atelier Folio, puis réalisé une mise en presse de finition. Ensuite, j’ai finalisé le décor de couverture grâce à des incrustations de peau de serpent (mosaique de cuir). La peau de serpent étant extrêmement fine, j’ai d’abord découpé les formes exactes de la mosaique sur une carte fine que j’ai posé sur mon cuir légèrement humidié puis laissé 12h sous presse. Cela créé une sorte de cuvette dans le cuir dans laquelle s’insère parfaitement la pièce mosaiquée. Une fois celle ci collée, j’ai adoucis encore les bords de la pièce à chaud et remis mon livre sous presse.
Impressionnant
Ce double livre est du grand art!
Je vous lève mon chapeau d’avoir relevé ce défi.
Merci ! C’était un gros défi mais pour une bien belle collaboration 🙂
Je suis admirative, c’est du tres beau travail et une formidable création
Merci beaucoup Marie Christine ! 🙂
Excellent. Un bien bel ouvrage
Merci beaucoup !
Magnifique et super idée